COVID 19 : À qui s’adressent les mesures de report de loyer?

Bail professionnel et bail commercial : qui peut bénéficier d’un report de loyer ?

En cette période d’épidémie, beaucoup se posent la question du paiement des loyers. Cependant, bien que le Président de la République ait indiqué un report possible des loyers, tous ne sont pas éligibles à cette demande.

 

Pour les loyers professionnels et commerciaux, seuls ceux qui subissent fortement cette période de confinement pourront négocier avec leur bailleur un report de loyer en invoquant la « force majeure ».

 

Le projet de loi d’urgence prévoit d’autoriser le gouvernement à décider de toute mesure :

 

« Permettant de reporter ou d’étaler le paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels, de renoncer aux pénalités financières et aux suspensions, interruptions ou réductions de fournitures susceptibles d’être appliquées en cas de non-paiement de ces factures, au bénéfice des très petites entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie ».

Il est donc question ici d’un report ou d’un étalement et non pas de la suppression du paiement du loyer.

De plus, il n’a pas encore été déterminé pour l’heure quelles étaient les « très petites entreprises » ni les conditions pour déterminer l’impact sur l’activité du professionnel.

 

Le bailleur commercial ou professionnel pourra-t-il exiger des pénalités de retard ?

Depuis la parution au JO n° 0074 du 26 mars 2020 (Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 relative au paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de covid-19) des précisions ont été apportées dans le cadre de non-paiement d’un loyer lié à un bail professionnel ou commercial.

 

Ainsi, en vertu de l’article 4 il est interdit de faire application de « pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages et intérêts, d’astreinte, d’exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute autre clause prévoyant une déchéance ou d’activation des garanties ou caution, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents aux locaux professionnels et commerciaux dont l’échéance de paiement intervient entre le 12 mars et l’expiration d’un délai de deux mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire ».

 

Ainsi, même si une clause indiquant l’un de ces éléments est prévue au bail, le bailleur ne pourra l’appliquer durant toute la période d’urgence sanitaire.

 

Comment définir le cas de force majeure ?

C’est l’article 1218 du Code civil qui définit le cas de force majeure :

« Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur.

Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1. »

Afin de « bénéficier » du cas de force majeure, il est nécessaire de remplir trois conditions qui évoluent au gré de la jurisprudence. Cependant, la force majeure doit être :

  1. imprévisible
  2. irrésistible
  3. extérieure

Un arrêt a été rendu lors de l’épidémie du virus EBOLA le 17 mars 2016 ; ici une entreprise invoquait des difficultés liées au non-paiement de redevances par des filiales africaines au cours de l’épidémie afin de justifier un retard de paiement.

« Le caractère avéré de l’épidémie qui a frappé l’Afrique de l’Ouest à partir du mois de décembre 2013, même à la considérer comme un cas de force majeure, ne suffit pas à établir ipso facto que la baisse ou l’absence de trésorerie invoquées par la société appelante, lui serait imputable, faute d’éléments comptables » (Paris, pôle 06, ch. 12, 17 mars 2016, n° 15/04263).

La jurisprudence à venir nous confirmera ou infirmera cette jurisprudence.

Que faire en cas de refus injustifié du bailleur ?

On pourrait s’attendre dans les prochaines semaines à connaitre les contours des nouvelles dispositions qui permettraient aux locataires de voir leur loyer reporté si leur activité a été interdite par la loi (restaurant, cabinet médical fermé…) et qui ont donc vu leur chiffre d’affaires baisser, ne permettant pas de régler leur loyer.

Si le bailleur refuse une telle demande, seul le juge et les juridictions compétentes pourront se positionner sur le fondement de la force majeure invoquée par le locataire.

De la jurisprudence qui permet d’y voir un peu plus clair :

  • Si le gouvernement interdit l’ouverture d’un local commercial, le bailleur ne satisfait pas à son obligation de délivrance en raison d’un événement de force majeure, ce qui permettrait au locataire de suspendre l’exécution de son contrat et donc le paiement des loyers (Cass 3ème civ. 7-3-2006 n° 04-19.639).

 

  • Si la baisse du chiffre d’affaires due à l’épidémie du COVID 19 ne permet pas au locataire de payer son loyer, le bailleur n’est pas mis en cause car il permet la jouissance du local et respecte son obligation de délivrance. Un arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation reprend cette situation « le débiteur d’une obligation contractuelle de somme d’argent inexécutée ne peut s’exonérer de cette obligation en invoquant un cas de force majeure » (Cass. com. 16-9-2014 n° 13-20.306 F-PB : RJDA 11/14 n° 886).

 

Les loyers d’habitation sont-ils concernés ?

Aujourd’hui, il n’est pas prévu d’élargir la mesure de report ou de suspension des loyers aux baux d’habitation.

Les loyers et les charges restes dues par le locataire pour les mois de mars et d’avril.

Si les locataires ne sont pas en mesure de payer leur loyer suite à une forte baisse de leur activité, il leur appartient de se rapprocher au plus vite de leur bailleur/agence afin de négocier un report du loyer.

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